On voudrait bien leur donner beaucoup de respect, mais la question s’impose: quelle valeur nos gouvernants ont-ils aujourd’hui? Normalement, les ministres incarnent l’excellence. Sélectionnés parmi les meilleurs hommes et femmes de la société, ils sont là pour résoudre des problèmes difficiles, aplanir les divergences compliquées, œuvrer à trouver des solutions aux situations les plus complexes. Mais nos ministres togolais sont assez différents.
Contrairement à leurs homologues de certains pays, nos ministres travaillent dans des conditions particulièrement favorables, dans un environnement dépourvu de toutes difficultés. Ils n’ont ni opposants politiques, ni société civile qui les forcent à donner le meilleur d’eux-mêmes quand ils sont à la tâche. Même le monde médiatique qui constituait jusqu’à récemment une instance de critique et de débats, a fondu devant eux. Le gouvernement fonctionne donc en l’absence de tous contrepoids.
Devant une telle situation, on est obligé de se poser des questions sur la nature même du job. Des gens évoluant dans un cadre désinfecté et stérilisé, débarrassé de toutes confrontations avec des opinions diverses, méritent-ils le titre prestigieux de « ministre »? Ce cadre que feu le ministre Agba a qualifié de « boulevard » ne remet-il pas en question la légitimité de nos ministres à jouir de cette appellation?
La différence entre nos ministres et les ministres qui font face à un éventail de contradicteurs est frappante. Si les membres de notre gouvernement sont appelés ministres, alors qu’ils n’ont aucune difficulté pour gouverner, comment alors qualifier ceux qui, jour après jour, doivent affronter et s’adapter à une diversité d’opinions pour avancer dans leurs projets?
La fonction ministérielle au Togo est devenue une curiosité, et il faut s’interroger sur la pertinence du titre de « ministre » dans le contexte où notre gouvernement travaille. Il ne s’agit pas de sous-estimer les compétences individuelles des membres du gouvernement, mais il s’agit de se poser des questions sur la nature de leur rôle dans un environnement différent de la norme.
Quand un ministre de l’Enseignement est capable de donner une affectation punitive ou même emprisonner des enseignants frondeurs, quand un autre ministre est capable, en toute simplicité, d’envoyer des journalistes en prison parce que ceux-ci ont attiré l’attention sur une fortune anormale qu’il posséderait, on n’a visiblement plus affaire à des ministres.
On devrait les dénommer autrement. Par exemple le dieu de l’Enseignement primaire et secondaire, le seigneur de l’Habitat et de l’Urbanisme, le gourou de la Santé, le tout-puissant de la Sécurité etc., mais le titre de ministre, c’est peut-être à revoir.
N’djo