J’étais à moto avec un frère pour passer par Tokpli et traverser la frontière Togo/Bénin. Voici mon histoire:
–Moi: Bonjour sôdja.
–Sôdja: Oui, qu’est-ce qu’on peut faire pour vous?
–Moi: Nous voulons traverser pour rentrer dans le Bénin.
–Sôdja : Tu connais les formalités à remplir. Je ne vais pas rappeler quoi que ce soit, je ne vais pas te poser des questions comme «Est-ce que tu as tes papiers et les papiers de la moto? etc.»
Alors je mets la main dans la poche et je sors 400F. Il regarde l’argent et me demande combien c’est. Je lui dis: 400F.
–Sôdja: En sortant de la maison ce matin, c’est 400 que tu as laissés à tes enfants et tu viens me donner 400F ici? Je vais faire quoi avec?
–Moi: Je demande pardon, c’est parce que je n’ai pas les moyens. Le grand frère que je transporte est souffrant, c’est sa maman qui m’a dit de l’amener. Donc je n’ai même pas prévu faire un voyage ce matin. Prenez comme ça, peut-être qu’au retour, la situation serait un peu mieux pour moi et on verra.
– Sôdja: Non, non, non, moi je ne veux même plus de pardon ici. Entre-temps, je suis allé au bord du fleuve pour voir. Quand les gens viennent, ils prennent la pirogue, sans supplier qu’ils n’ont pas d’argent. Donc on trouve l’argent de pirogue et c’est l’argent de sôdja qu’on n’arrive pas à trouver. C’est 1000F – 1000F que vous allez donner. Si vous n’en avez pas, vous pouvez faire demi-tour et aller passer ailleurs. Nous, on n’est pas là pour plaisanter.
J’ai tout fait, le sôdja a refusé. Il est parti en disant à son second qu’il va dans la brousse pour se reposer. Un 3ème sôdja vient s’ajouter et demande au second: ceux-là, ils ont quoi?
–2nd sôdja: On leur dit de payer et partir, ils refusent et sont là.
–3ème sôdja: Si c’est ça, qu’ils aillent rester contre le mur, loin là-bas.
–Moi: Non, ce n’est pas que je ne veux pas payer, c’est la situation.
–3ème sôdja : Allez rester là, si le chef vient, vous allez lui expliquer.
On est resté sous le mur près de 20 minutes avant que le chef ne vienne. Je voulais l’aborder mais…
–3ème sôdja : Non, non, non, reste là, lui-même va t’appeler d’abord.
Effectivement, quelques minutes après, le chef m’appelle. Je lui raconte ma situation et il me dit: Tchrouuu, moi je croyais que tu avais quelque chose de nouveau à dire.
–Moi: Chef, j’ai un ami ici, mais on m’a dit qu’il est au bord du fleuve. Si vous m’autorisez, je vais aller le voir. S’il me trouve quelque chose, je vais l’ajouter aux 400 francs.
–3ème sôdja : OK, tu peux laisser la moto et aller.
J’ai marché pour aller. J’ai trouvé des amis là-bas qui me demandent où est ma moto.
–Moi: Elle est derrière. Les sôdja ne veulent pas me la libérer.
–Amis: Vous n’avez pas porté de casque?
–Moi: Bien sûr, on a porté!
–Amis: vous transportiez quelque chose?
–Moi: Rien.
–Amis: vous ne vous êtes pas arrêtés à temps pour le contrôle?
–Moi: Je coupe toujours le moteur avant d’arriver devant une force de l’ordre.
–Amis: Là, on ne comprend plus. Comment ces sôdja vont réclamer 1000f – 1000f ce beau matin comme ça? Ou bien c’est parce que le carburant boudè ne passe plus et ils veulent renflouer leurs caisses qu’ils s’acharnent sur toi?
Celui qui devait m’aider avec 500F était de l’autre côté du fleuve, dans le Bénin. Je l’ai appelé, il a pris une pirogue pour venir. Il m’a donné les 500 et un autre gars m’a ramené avec sa moto vers les sôdja. On a supplié ceux-ci avant qu’ils ne prennent finalement 1000F et on est reparti. En route, mon frère me fait savoir que quand j’étais parti, le 3ème sôdja qui était venu entre-temps a pris 10.000F sur l’argent récolté. L’autre revenu de la brousse a demandé: il y a combien là-bas?
–3ème sôdja :11500 francs.
–2nd sôdja : Quand je partais, tu m’avais dit que c’est 21.500F, non? Comment se fait-il que ce soit 11500 maintenant? Les 10.000 sont passés où? Espèce de…
Après le voyage, je suis retourné le même jour, autour 15h. J’arrive au niveau des sôdja et je dis: Chef, je suis de retour. Il me demande:
-Je t’ai envoyé quelque part? Il a commencé à me gronder et son second dit:
-C’est lui et son frère qui étaient passés ce matin.
-Et alors? Il n’a pas à me dire qu’il est de retour, je ne l’ai envoyé nulle part.
Je suis resté environ 5 minutes là-bas avant qu’il ne me libère. J’ai pu rentrer dans mon pays, sans payer.
Davié