Combien d’artistes dans ce pays vous répondront qu’ils sont sûrs qu’ils ont de la valeur ? Très peu. Ecoutez-les relater les difficultés de leur vie quotidienne et de leurs parcours professionnels et vous comprendrez. Les exemples sont nombreux qui montrent la négligence dont souffrent l’art et les artistes dans notre pays.
Prenons les artistes plasticiens. Quels espaces sont mis à leur disposition pour l’exposition de leurs travaux ? Quelle communication est faite pour les faire connaitre ?
Pour les artistes musiciens, quelles salles de spectacle sont construites pour accueillir les concerts ?
Pour le cinéma, la situation est également là sous nos yeux. On ne peut faire aujourd’hui du cinéma en comptant sur les subventions d’institutions comme la Francophonie, d’associations étrangères ou sur les appels à contribution du public. Le cinéma est une industrie et c’est l’État en premier qui prend la décision d’en faire une machine de la visibilité du pays. Le cinéma fait la promotion de la culture et du tourisme, attire les investisseurs, valorise le génie national et est moteur du développement. C’est ce que le Nigeria, l’Afrique du Sud, la Côte d’ivoire ou le Sénégal a compris et ils ont aujourd’hui des trains modernes pendant que le Togo est sûrement l’unique pays au monde où on pousse un train, comme on pousse une voiture.
Comment vivent les artistes togolais ? Dans quelles conditions créent-ils leurs œuvres ? Quels accès ont-ils pour faire connaitre leurs créations ? Quelle perspective d’avenir ont-ils ?
Dans certains pays, l’artiste a un statut et une assistance sociale qui lui permettent de vivre. Il jouit d’une considération, parce qu’on comprend qu’il a un rôle dans la société.
Au Togo, l’artiste est en général vu comme un raté, un incapable qui a choisi le chemin facile, un paresseux qui attend l’aide pour s’adonner à une activité sans profit réel, un rêveur qui veut vivre sur le dos des autres. Les artistes se retrouvent coincés comme dans un tunnel ; ils se débattent et se battent entre eux, se jalousent, se font du mal. Dans le domaine musical, ceux qui ne veulent pas attendre que les ‘‘réseaux bizarres’’ les placent sur des évènements culturels, sont obligés de chanter sexe et débauche pour être appréciés du public. Ceux qui savent jouer avec le monde politique (confondu avec le monde des affaires), trouvent des gens pour les recommander et ils obtiennent des contrats de concert, de publicité, de showcases. La conséquence est que les meilleurs ne sont pas toujours les plus vus. Un grand nombre de talentueux disparaissent, finissent misérables.
Nous supposons que Mme Florence Yawa Kouigan, Ministre en charge de la Culture, qui a décidé de rencontrer divers acteurs culturels le 15 octobre 2024, est consciente de la situation. Mais l’impression demeure que le temps des actions audacieuses est loin de venir.
John