Il n’y a pas si longtemps, les marques de motos à la mode étaient Yamaha, Suzuki, Honda ou Vespa. Aujourd’hui, elles ont presque disparu, et les personnes qui les utilisent encore sont considérées comme étant d’une autre époque. Les designs de ces motos nous paraissent bizarres, les mécaniciens qui étaient à la mode lorsque ces véhicules l’étaient aussi sont de nos jours rares, ringards. En quelques années, ce qui était modernité a été dépassé par des nouveautés et ceux qui sont restés attachés à l’ancienneté sont pour la plupart juste des gardiens qui perpétuent une mémoire. Et c’est ainsi que se crée une tradition : la nouveauté d’un temps est concurrencée par la nouveauté du temps qui suit, mais elle est conservée par des gens qui lui reconnaissent toujours de la valeur.

Mais une tradition peut redevenir elle aussi de la modernité. Dans le domaine des voitures, l’exemple du modèle dépassé est la coccinelle, la voiture grenouille comme les enfants aimaient l’appeler. Entre-temps, elle a été redessinée et est revenue à la mode. Comme l’adage le dit, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les modes anciennes oubliées, sont reprises, retouchées et redeviennent la nouveauté vers laquelle tout le monde court. L’agriculture bio et l’alimentation naturelle dont on parle de plus en plus ne sont que des retours à d’anciennes traditions, après la vague de modernité avec l’utilisation massive d’engrais et de produits chimiques de toutes sortes sur les champs.
Que faut-il comprendre alors à propos de la modernité et de la tradition ?
Lorsque nous conservons une manière de penser, une manière de faire ou des objets, à cause de la valeur que nous leur accordons, ces choses deviennent une tradition. C’est l’exemple des habitudes culinaires transmises des grand’mères aux mères puis aux jeunes filles qui deviendront à leur tour mères et grand’mères. Essayez de poser la question à une mère sur la raison de sa manière de cuisiner. Elle vous répondra que c’est ainsi que cela a toujours été fait, de regarder et d’apprendre. Dans un atelier d’apprentissage, c’est la même expérience que vivent les élèves face à leurs patrons. Et pourtant, la tradition vient toujours de quelque part. C’est une raison qui a entrainé un jour cette manière de penser et de faire.

Finalement, la tradition n’est pas si traditionnelle que ça : elle a une fois été modernité et elle peut redevenir modernité une nouvelle fois.
Aujourd’hui, l’Afrique est au tournant de son histoire. Tout en voulant rester elle-même, le continent ne veut pas considérer la tradition comme un héritage pur et dur. Dans beaucoup de domaines, la tradition change pour rattraper un retard. L’Afrique renaissante veut garder ses valeurs, mais en même temps être capable d’apporter des retouches, d’améliorer ses techniques et de se donner plus de chances de réussir dans la réalité d’aujourd’hui.
La nouveauté n’est donc pas un danger si la tradition peut aider à rentrer à chaque fois de manière originale dans la modernité.
Et parce que la tradition peut redevenir modernité, l’Afrique a toutes les chances de gagner son pari d’un développement original.
John
