La co-gestion du CAR Solution, utopie ou danger ?

par SIKAA JOURNAL

Sous l’impulsion de son président Yao Daté, le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) veut connaître une nouvelle dynamique en s’engageant dans la voie de la co-gestion, un concept inspiré par feu Maître Agboyibo. Le plan est séduisant : il s’agit de rassembler les forces de l’opposition pour contraindre de façon formelle le parti UNIR à céder des parcelles de gouvernance aux opposants. L’idée derrière cette co-gestion ou gestion par consensus est de constituer un bloc assez solide, donner du poids à l’opposition et, de ce fait, forcer à un rééquilibrage du pouvoir.

Les limites de la co-gestion en question

Malgré ses apparentes vertus, la co-gestion du CAR va présenter des limites importantes. En effet, gouverner par consensus signifie qu’on doit composer avec des visions divergentes, ce qui empêche de facto la réalisation pleine et entière des idées portées par les partis. Les gouvernements de coalition ou de co-gestion sont toujours peu efficaces, prompts aux compromis et aux compromissions, ce qui affaiblit l’impact des politiques publiques et empêche des réalisations ambitieuses. Le consensus politique n’est pas synonyme d’unité de vision, mais plutôt de concessions mutuelles qui, au final, diluent les projets et limitent les avancées.

L’alternance est donc une option plus ambitieuse qu’il faut préférer à la co-gestion, étant donné qu’elle permet à chaque parti, une fois au pouvoir, de mettre en œuvre ses idées, sans restriction, offrant ainsi aux citoyens une gouvernance pleinement engagée et assumée. L’opposition aura la possibilité (lorsque son tour viendra), d’exercer également le pouvoir, sans être contrainte par les intérêts divergents d’autres factions politiques au sein de la même équipe gouvernementale.

Le risque de la co-gestion est la consolidation du pouvoir

La co-gestion est en fait une dilution de l’opposition. On l’a déjà vu, lorsque les opposants partagent le pouvoir avec le parti au pouvoir, ils vont forcément s’habituer aux avantages de la fonction. Ils développent alors avec UNIR une solidarité gouvernementale, un esprit de corps qui va les éloigner de leur mission première, à savoir : représenter une alternative crédible au pouvoir en place. Cette dynamique va, sans coup férir, fondre les différentes factions politiques en une entité unique dont l’objectif principal sera de conserver le pouvoir. On verra donc les opposants, maintenant confortablement installés, s’unir à UNIR pour régner ad vitam æternam, au détriment de l’intérêt général.

La co-gestion qui est souhaitable

L’idée de co-gestion du CAR pourrait être bénéfique si elle se traduisait par une tolérance dans la façon de traiter les fonctionnaires de l’État. Actuellement, même pour obtenir un petit poste de petit directeur d’une petite école primaire, cela exige une allégeance au parti UNIR. La diversité politique au sein de l’administration est très limitée, ce qui renforce la mainmise d’UNIR sur les rouages de l’État. La co-gestion pourrait être repensée et se transformer en une lutte pour l’ouverture des portes aux citoyens de différents bords politiques, sans nécessairement inclure les leaders politiques dans la gouvernance centrale. Cela pourra aider la démocratie en empêchant par exemple que les fonctionnaires agissent en bloc pour faire de la mauvaise gouvernance, ou vider les services pour aller battre campagne pour UNIR ou encore truquer la gestion des élections.

Conclusion

Encore faut-il que l’UNIR l’accepte, la co-gestion proposée par le CAR peut certes représenter une solution temporaire pour briser la concentration de pouvoir, mais elle comporte un risque réel d’affaiblissement des convictions et la consolidation du parti au pouvoir. Pour la co-gestion démocratique, il serait mieux de commencer en ouvrant les postes administratifs à des citoyens de toutes appartenances politiques.

 N’djo

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