Les Tém ont établi au cours de leur histoire des alliances communautaires importantes (Kédya) qui perdurent aujourd’hui. Ces alliances ont été conclues avec les Moba et les Gourmantchés du nord du Togo et du sud du Burkina Faso, ainsi qu’avec les Samirê du centre-est du Togo et du Bénin, donnant lieu à des pratiques de railleries réciproques (bastêrê) entre ces communautés.

Ces alliances autorisent des échanges verbaux particuliers où des propos parfois très durs peuvent être exprimés en toute circonstance, sans égard au statut social ou aux fonctions officielles de la personne visée. Ces comportements, qui seraient normalement considérés comme injurieux et punissables par la loi pénale, sont légitimés par la tradition historique qui les encadre. La personne qui profère ces « insultes » bénéficie d’une justification coutumière qui exclut toute notion d’infraction.

L’origine de ces alliances varie selon les groupes concernés. Entre les Tém et les Samirê, elle résulte d’un pacte de non-agression suite à des conflits armés, scellé selon les traditions avec un rituel sacrificiel important d’après les gardiens de l’histoire tém. Cette alliance a depuis lors maintenu la paix entre ces deux peuples. Quant aux relations avec les Gourmantchés et les Moba, elles sont issues d’un pacte conclu en période de paix pour la préserver indéfiniment.

Ces alliances ont des implications concrètes dans la vie quotidienne : un Tém ne peut témoigner contre un Gourmantché, un Moba ou un Samirê (et réciproquement) en faveur d’un tiers. Par exemple, un accident de circulation impliquant un Moba et un Tém à Lomé a pu être résolu immédiatement sans complications grâce à cette alliance. Le mot de reconnaissance entre eux est « Wawa ».

La finalité profonde de cette parenté à plaisanterie dépasse le simple divertissement : elle vise à garantir la paix sociale. Dans les sociétés traditionnelles africaines, la parole dépasse sa fonction informative pour révéler une attitude particulière envers autrui, rappelant une histoire partagée et des expériences communes.
Lorsque ces échanges prennent la forme de véritables joutes verbales institutionnalisées, avec des propos parfois violents et des moqueries, leur portée devient plus complexe.
Ces pratiques permettent une prise en charge globale de l’individu dans toutes ses dimensions (physiques, morales, spirituelles et intellectuelles) ainsi que de son statut social et de l’histoire de sa communauté.
En instaurant ostensiblement une « guerre » verbale et gestuelle, ces traditions évitent les véritables conflits qui pourraient détruire les biens et les personnes.
