Gnassingbé Eyadema peut-il être grand sans que Sylvanus Olympio soit grand ?

par SIKAA JOURNAL

L’histoire du Togo est marquée par deux figures majeures : Sylvanus Olympio et Gnassingbé Eyadema. Voilà des hommes aux parcours très différents, mais dont les vies ont façonné le pays de manière durable. Une bataille persiste toujours pour déterminer lequel des deux est le plus grand, mais une analyse objective des faits met en lumière une différence évidente entre leurs mérites personnels et respectifs.

Sylvanus Olympio incarne l’intellectuel. Polyglotte accompli, il maîtrisait au moins cinq langues : le mina, le français, l’anglais, l’allemand et le portugais. Son brillant parcours académique l’a conduit à obtenir un doctorat en économie, une discipline qui lui a permis d’avoir une vision claire du développement économique de son pays.

Son ascension professionnelle l’a mené à la tête de la filiale togolaise de la United Africa Company (UAC), une multinationale britannique influente en Afrique. Mais c’est surtout son engagement pour l’indépendance du Togo qui le distingue. Il a conduit la lutte pour la libération du pays du joug colonial et a proclamé l’indépendance du Togo le 27 avril 1960. Devenu le premier président de la République togolaise, il s’est engagé dans des réformes profondes, notamment la création d’une monnaie nationale pour sortir du franc CFA. Malheureusement, il fut assassiné lors du coup d’État de 1963, quelques heures avant la concrétisation de ce projet, marquant ainsi la fin brutale d’une ambition de souveraineté. Sylvanus a perdu sa vie pour son pays le Togo. 

À l’opposé, Gnassingbé Eyadéma s’est forgé un destin à travers les armes. Sergent dans l’armée française, il a combattu en Algérie et au Vietnam. Même si on peut estimer aujourd’hui qu’il s’est mis du mauvais côté de l’histoire (celui des forces coloniales contre les indépendantistes), l’homme a montré du courage et de la conviction. En 1963, il participe activement au coup d’État qui renverse et assassine Sylvanus Olympio, marquant le début d’un tournant politique au Togo.

La fulgurante carrière militaire d’Eyadema lui a permis d’atteindre rapidement le grade de général. Il prend officiellement le pouvoir en 1967 et le conserve pendant 38 ans, devenant ainsi l’un des dirigeants africains les plus longtemps restés en fonction. Parmi les événements marquants de son règne, l’accident d’avion de Sarakawa en 1974, interprété traditionnellement comme un attentat, est souvent mis en avant pour souligner sa volonté de nationaliser le phosphate togolais. Il a donc failli perdre sa vie pour son pays le Togo. 

Si l’on considère le mérite personnel, il n’y a pas beaucoup de débat : Sylvanus Olympio surpasse Gnassingbé Eyadema, tout comme un grand journal international comme Le Figaro ou The Washington Post dépasse un journal local tel que Sika’a. Il n’y a pas de honte à reconnaître cette réalité, car les doigts de la main ne sont pas égaux.

Mais ceux qui veulent inverser les hiérarchies naturelles cherchent à nous imposer la question de la grandeur. Faire du plus grand le plus petit et du plus petit le plus grand est une équation insoluble qui fausse notre lecture de l’histoire.

Au-delà de la comparaison, il est essentiel de reconnaître que chacun des deux présidents a marqué son époque à sa manière et selon les circonstances. Seule une analyse historique objective pourra mettre en lumière leurs contributions positives et négatives. Les deux en ont !

La grandeur ne s’évalue pas dans le déni. Tant que nous refuserons d’admettre que Sylvanus Olympio fut un grand homme, il sera très difficile de considérer Gnassingbé Eyadema comme un grand dirigeant. Car, peut-on convaincre quelqu’un que le bélier est imposant s’il refuse lui-même de reconnaître la majesté du taureau ? Peut-on qualifier un lac de vaste étendue d’eau tout en niant l’immensité de l’océan ?

En définitive, la reconnaissance de la grandeur d’Eyadema passe par celle d’Olympio. La mémoire ne se construit pas dans le désaveu, mais dans l’acceptation des faits.

Laissons de côté tous jugements de valeur et disons que Eyadema qui a passé 38 ans au pouvoir a marqué l’histoire du pays. Mais Sylvanus qui n’a passé que 3 petites années au pouvoir a également beaucoup marqué le Togo. Refuser de le célébrer, c’est empêcher Eyadema de grandir dans le cœur des Togolais.  

  N’djo

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